Essays

L’Inquisition, une guerre raciale d’éviction, les combats souterrains chez les Jésuites en Espagne

Saint Ignace de Loyola, fondateur de la compagnie de Jésus le 27 septembre 1540 à Montmartre: on se demande de qui ce tableau célèbre la gloriam, Dieu ou Loyola.

NOTE: This is a French translation with addenda of Andrew Joyce’s review of The Jesuit Order as a Synagogue of Jews. Since this article can no longer be published in France with any assurance that it will stay online or that, if it does, the publishers will not be persecuted, we will publish it here on NV. Thanks to Francis Goumain for the translation.

The article may be found in English here: Part 1 • Part 2

par Andrew Joyce

“Les frères de la circoncision ont perverti tout l’édifice de la Société [de Jésus]. En tant que fils de ce monde [donc du Diable] experts dans l’art de séduire leurs semblables avides de nouveautés [semblables «en apparence» = les chrétiens], ils n’ont pas de mal à exciter les passions et à détruire l’unité et le gouvernement de l’âme [de l’Ordre de Jésus]»
Lorenzo Maggio, Curie Jésuite de Rome, 1586.

L’attaque

À CE JOUR, le cadre théorique le plus propice à la compréhension des formes cryptiques du judaïsme a été formulé par Kevin MacDonald dans un ouvrage qui a fait date: Separation and Its Discontents: Toward and Evolutionary Theory of Anti-Semitism. L’essentiel de son quatrième chapitre (1998/2004: 121–132) est consacré au «racisme réactif à l’époque de l’inquisition espagnole». MacDonald y avance l’idée selon laquelle l’Inquisition ibérique au cours des XVe et XVIe siècles était une lutte raciale d’éviction, institutionnelle et violente, motivée par la compétition sur les ressources avec les Juifs et en particulier les cryptos Juifs se faisant passer pour des chrétiens. Le contexte historique est celui de la conversion forcée des Juifs d’Espagne en 1391, à l’issue de laquelle ces «nouveaux chrétiens» (ou conversos) se sont assuré (ou plutôt, ont maintenu) une domination dans les domaines tels que la justice, la finance, la diplomatie, l’administration publique et tout un éventail d’activités économiques. MacDonald estime qu’en dépit d’une conversion de façade, ces nouveaux chrétiens «doivent être considérés comme une communauté historiquement juive» qui a simplement fait en sorte de pouvoir poursuivre son intérêt ethnique propre. C’est à ce titre qu’on a vu des Juifs aisés acheter des charges ecclésiales pour leur progéniture, ce qui a eu pour conséquence que nombre de prélats en Espagne étaient en fait d’ascendance juive.

Indirectement, et sans doute involontairement, ce cadre théorique de MacDonald se retrouve en grande partie dans le The Jesuit Order as a Synagogue of Jews (2010) de Robert Aleksander Maryks du Boston College, qui confirme à son tour que l’entrée des Juifs dans la première Compagnie de Jésus suit le modèle classique de népotisme ethnique et de tartuferie religieuse qu’on leur connaît. Reprenant l’examen de la même aire géographique durant la même période, Maryks offre un panorama des premières années de la Compagnie de Jésus durant lesquelles une lutte sans merci s’est jouée pour le contrôle de l’âme et de la destinée de l’Ordre entre un crypto-bloc juif très puissant et un réseau rival composé de chrétiens Européens.

Dans un livre de facture un peu brute mais intéressant, Maryks éclaire ce conflit sur la base de documents jusqu’ici ignorés, mettant au passage en lumière certaines des caractéristiques les plus récurrentes génératrices d’antisémitisme réactif: l’ethnocentrisme, le népotisme, la tendance à tout monopoliser et la recherche d’alliance stratégique avec l’élite blanche. Mais peut-être le plus original dans ce travail, c’est l’accent mis sur les contre-mesures juives aux efforts des Européens visant à étouffer leur influence, certaines d’entre elles étant remarquables par leur proximité avec des exemples récents de propagande apologétique juive. À ce titre, The Jesuit Order as a Synagogue of Jews est hautement recommandé à quiconque cherche à se faire une idée, via une étude de cas historique facile à digérer, de la dynamique du conflit ethnique entre les Juifs et les Européens.

L’ouvrage se décompose en quatre chapitres bien rythmés. Le premier présente au lecteur le «contexte historique de la discrimination par la pureté du sang (1391 – 1547)», une introduction détaillée à la nature du problème posé par «les nouveaux chrétiens» dans la péninsule ibérique, elle se suffit à elle-même, mais elle gagne à être lue en parallèle du travail de MacDonald sur le même thème. Le deuxième chapitre concerne «la politique proconverso des débuts (1540 – 1572)», il met en exergue l’intensité du noyautage des postes clés de l’ordre jésuitique par les crypto-juifs, ces derniers, adaptant leurs positions idéologiques à leurs intérêts, parvenant à établir un quasi-monopole au sommet de la hiérarchie qui s’étendra jusqu’au Vatican. Le troisième chapitre, «Discrimination envers les Jésuites d’ascendance juive (1573 – 1593)», traite de l’apparition d’un mouvement de réaction à la stratégie des chrétiens-circoncis, on y trouve une présentation de ses grandes figures et une analyse de leurs motivations. Le quatrième chapitre, «l’opposition jésuitique à la discrimination par la pureté du sang (1576 – 1608)», passe en revue les efforts des jésuites crypto-juifs pour contrecarrer la stratégie de riposte européenne, on y retrouve souvent les mêmes tactiques et positions qui nous sont si familières aujourd’hui comme marque de fabrique des courants intellectuels juifs.

Cette séquence interne à l’Ordre jésuitique est exactement parallèle à celle de l’Inquisition en général: des nouveaux chrétiens s’établissant aux postes-clés de la politique, des affaires et de la culture espagnole, une riposte des chrétiens européens visant à reprendre le pouvoir, riposte elle-même suivie d’une contre-attaque juive contre l’Inquisition et le gouvernement espagnol en général, ce dernier jouant à l’époque un rôle de premier plan sur la scène internationale.

L’un des points forts de cette enquête haletante de Maryks, c’est qu’elle a l’avantage de pouvoir s’appuyer sur des découvertes généalogiques relativement récentes qui prouvent sans aucun doute possible que nombre d’individus jadis simplement «accusés» d’être des crypto-juifs l’étaient incontestablement. Maryks peut donc s’avancer avec assurance dans cette période où la lignée, tout en étant vitale, était plongée dans un brouillard d’accusations, de démentis et de contre-accusations. Selon les mots de l’auteur (xxix), «les tensions raciales ont joué un rôle central dans l’histoire de l’Ordre jésuitique à ses débuts.

En ouverture de son livre, Maryks se rappelle comme à la suite d’un article sur l’influence des conversos chez les Jésuites, il a reçu un e-mail de quelqu’un originaire de la péninsule ibérique, l’e-mail témoignait de l’étonnante survivance de pratiques crypto-juives dans la famille de l’expéditeur:

Du vendredi soir au samedi soir, son grand-père masquait l’image du petit Jésus d’une reproduction de saint Antoine qu’il avait chez lui. En fait, il s’agissait d’une boîte à musique repliable. Le vendredi soir, il appuyait sur un bouton pour rembobiner le rouleau en sorte de faire disparaître le haut de l’image, celle-ci montrant Jésus bébé dans les bras de Saint Antoine. Le samedi, il appuyait de nouveau sur le bouton pour que Jésus ressorte de sa cachette, niché dans les bras du saint. En tant que fils aîné, l’histoire a été transmise à mon correspondant par son père qui lui demandait de ne manger que de la nourriture casher. (xv)

La persistance d’une forme aussi naïve, et dans ce cas inoffensive, de cryptojudaïsme au cours de ce qu’on imagine être le début du XXe siècle pourrait sembler anodine, rien d’autre qu’une curiosité socio-historique, en réalité, il s’agit d’un vestige modeste mais significatif de ce qui fut autrefois un puissant moyen de préserver la stratégie évolutionnaire de groupe des Juifs de la péninsule ibérique après 1391 — un environnement hautement hostile. Dans un contexte politique, social et religieux dépourvu de synagogue et des signes les plus ostentatoires du judaïsme, ces menus rituels – comme masquer l’image de Jésus ou l’observation discrète des règles alimentaires – devenaient des moyens vitaux de maintenir la cohésion de groupe.

Pendant longtemps, ces méthodes se sont avérées essentielles à la continuité du judaïsme au nez et la barbe de la société christianisée hôte. Mieux, elle a permis aux conversos d’étendre le monopole de leur népotisme à tout un éventail de domaines civils ou religieux (chrétiens). Gare toutefois si ce petit jeu était découvert, les conséquences pouvaient être terribles. Mais comme l’indique Maryks (xxii), de sa fondation en 1540 à 1593 l’Ordre jésuite était sans méfiance et ne prévoyait pas de règles discriminatoires à l’encontre de ses membres d’ascendance juive, durant ces années, au contraire, les conversos jésuites «ont pu occuper les plus hautes fonctions administratives et présider à son développement institutionnel et spirituel». Ce n’est que progressivement qu’une forte résistance à ce monopole a commencé à se développer et de 1593 à 1608 on assiste à une féroce lutte de pouvoir qui s’achève par la défaite du bloc crypto-juif et l’établissement de règles prohibant l’entrée de candidat de «sang impur». Ces règles sont restées en vigueur jusqu’en 1946 et exigeaient l’examen de l’arbre généalogique en remontant cinq générations en arrière.

Aux Origines Juives des Jésuites

Le15 août 1534, Ignatius de Loyola (né Íñigo López de Loyola), un Basque originaire de la ville de Loyola en Espagne, et ses six compagnons, tous étudiants à l’université de Paris, se réunissaient à l’extérieur de la ville, à Montmartre, dans une crypte sous l’église Saint-Denis pour prononcer leurs vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Les six compagnons d’Ignatius étaient: François Xavier de Navarre (dans l’Espagne actuelle), Alfonso Salmeron, Diego Laínez, Nicolás Bobadilla de Castille, Pierre Favre de Savoie, et Simão Rodrigues du Portugal. À ce stade, ils se désignaient en «compagnon de Jésus» (Compañía de Jesús), ou indifféremment, Amigos en El Señor (les amis du Seigneur). Le «Compañía» est devenu en latin «societas», qui vient de «socius» – partenaire ou camarade. Ceci va vite se changer en «Société de Jésus» ou «Compagnie de Jésus» et c’est sous cette dénomination qu’ils vont se faire connaître. En 1537, les sept faisaient le voyage de Rome pour rechercher l’aval papal. Paul III fit leur éloge et leur permis d’être ordonnés prêtres. La fondation officielle de la Compagnie de Jésus eut lieu en 1540.

Dès l’origine, le poids des conversos dans la Compagnie de Jésus était fort. Des sept membres fondateurs, il ressort des éléments fournis par Maryks que quatre étaient indubitablement d’ascendance juive: Salmeron, Laínez, Bobadilla, et Rodrigues. Loyola lui-même était bien connu pour son fort philosémitisme et dans une thèse récente, des arguments sont avancés qui tendent à prouver que ses grands-parents maternels étaient «sang pour sang» conversos (son grand-père, le Dr. Martín García de Licona, était commerçant et conseiller à la Cour) [1], ce qui rend notre noble Basque halakhiquement Juif. Pour l’universitaire et spécialiste de l’Inquisition, Henry Kamen — lui-même Juif et qui a pu soutenir que l’Inquisition n’était qu’une «arme d’épuration sociale», principalement destinée à assurer l’éviction des Conversos de la compétition socio-économique — Loyola était «spirituellement un Sémite profondément sincère». [2]

Que «spirituellement»? Voire, il est à craindre que Kamen ne se laisse berner par l’omniprésence de la propagande des conversos. Comme l’explique fort bien Maryks, la réputation d’un Loyola fervent admirateur des Juifs repose principalement sur une série d’anecdotes et de citations qu’on lui attribue — dont beaucoup sont tirées de biographies rédigées juste après sa mort par des Jésuites conversos cherchant à promouvoir et à défendre leur propre intérêt. Par exemple, la seule source dont on dispose pour affirmer que Loyola aurait par-dessus tout désiré avoir une origine juive pour pouvoir se considérer comme «un parent du Christ et de sa mère», c’est la toute première biographie officielle de Loyola — laquelle a été rédigée de la main de Pedro de Ribadeneyra, un converso. Or, Ribadeneyra est décrit par Maryks comme un «converso masqué» qui ne s’est pas gêné pour déformer ou cacher des faits maintenant bien établis, et notamment que l’Inquisition d’Alcalá avait accusé Loyola d’être un crypto-juif. (43) C’est l’un des aspects importants de la biographie Ribadeneyra, sa ligne générale même, l’idée qu’être Juif était un bon point particulièrement recherché — le philosémitisme de Loyola(réel ou imaginé) étant destiné à créer des émules. Par contre les aspects moins avouables du cryptojudaïsme et leur répression par l’Inquisition étaient complètement occultés.

Que Loyola soit en fait un crypto-Juif ou qu’il soit vraiment un Européen animé d’un fort désire d’être Juifs reste à déterminer au moment où nous écrivons ces lignes. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’il s’est entouré de nombre de conversos et qu’il était opposé à toute discrimination envers eux au moment de l’entrée des candidats dans la Compagnie de Jésus. Maryks estime que philosémitisme et jeux cryptiques mis à part, Loyola était «motivé par le soutien financier sur lequel il savait pouvoir compter du réseau des conversos en Espagne»(xx). Si on suit Maryks dans cette lecture, Loyola était par conséquent bien conscient de la position des conversos au sein de l’élite de la société espagnole, et il était prêt à accepter leur argent en échange d’une politique non discriminatoire dans l’accès à la gouvernance de l’ordre.

Toute la question reste bien sûr de savoir pourquoi une élite crypto-juive voudrait bien soutenir financièrement et en personnel un ordre religieux chrétien. Le point important qu’il faut avoir à l’esprit, c’est que dans cette Europe de l’ère moderne balbutiante, religion et politique étaient intimement intriquées. Au travers des liens entre les congrégations religieuses et l’élite politique, même des ordres ayant fait vœux de pauvreté comme les Franciscains pouvaient exercer une forme d’influence socio-politique loin d’être négligeable. Cela était encore plus évident pour les ordres à forte vocation missionnaire qui jouaient souvent un rôle pionnier dans le développement économique des colonies.

William Caferro note que dans l’Italie de la Renaissance «l’élite politique Florentine entretenait des liens étroits avec l’Église, souvent, les mêmes personnes faisaient partie des deux hiérarchies, l’une et l’autre se renforçant mutuellement. [3]. Faire partie d’un ordre était donc un aspect essentiel, une extension obligée de l’influence politique et socio-culturelle.

Il n’est donc pas étonnant de retrouver des crypto-Juifs grenouillant dans les réseaux inextricables de l’administration royale, de la bureaucratie civile et de l’Église. Pour ne citer que quelques exemples, Michael Baigent et Richard Leigh relèvent dans leur histoire de l’Inquisition:

En 1390 le rabbin de Burgos se convertissait au catholicisme. À la fin de sa vie il terminait évêque de Burgos, légat du Pape et tuteur d’un prince de sang. [Son fils deviendra un actif Converso comme on va le voir plus bas]. Il n’était pas le seul dans son cas. Dans les plus grandes villes, les municipalités étaient dominées par des familles de conversos. Au moment même de la formation de l’inquisition, le trésorier du roi Ferdinand était issu du milieu conversos. En Aragón, les cinq plus hauts postes de l’administration du royaume étaient occupés par des conversos. En Castille, on comptait au moins quatre évêques conversos. Trois des secrétaires de la reine Isabelle étaient des conversos tout comme l’était le chroniqueur officiel de la Cour. [4]

Pour l’élite crypto-juive de cette Espagne moderne naissante, la fondation d’un puissant ordre religieux dirigé par un philosémite (si ce n’est d’un crypto-Juif de la bande), dont l’équipe dirigeante était composée essentiellement de conversos, qui dans ses statuts étaient ouverte aux candidatures conversos, représentait incontestablement une perspective alléchante. Qu’il existât une sorte de marché entre Loyola et ses parrains crypto-juifs, la nature de la constitution jésuite originelle, comme indiqué ci-dessus, le suggère, tout comme les premières correspondances au sujet de l’admission des candidats d’ascendance juive. La fondation de l’Ordre a coïncidé avec la montée généralisée en Espagne d’une atmosphère anticonversos qui a connu son paroxysme en 1547, «avec la promulgation par la plus haute autorité ecclésiale du pays, l’Inquisiteur général d’Espagne et archevêque de Tolède, Silíceo, de la législation sur la pureté du sang, El Estatuto de limpieza de sangre, (xx)». Le pape Paul IV et l’ancien élève de Silíceo, le rois Philippe II, ratifiaient les statuts de l’évêque en 1555 et 1556, respectivement, mais Ignatius de Loyola et son successeur converso, Diego Laínez (1512–1565), se dressaient vent debout contre les prétentions de l’Inquisiteur d’empêcher les conversos de se joindre aux jésuites. À tel point que dans une lettre adressée au jésuite Francisco de Villanueva (1509–1557), Loyola écrivait «En aucun cas la Constitution jésuite n’intégrera la politique de l’archevêque» (xxi).

Cherchant à apaiser les tensions, Loyola dépêchait en février 1554 son émissaire plénipotentiaire, Jerónimo Nadal (1507– 1580), auprès de l’Inquisiteur. Nadal maintenait fermement que la constitution jésuite ne faisait pas de discrimination en fonction de la lignée des candidats et reconnaissait à titre personnel avoir admis des conversos durant son séjour dans la péninsule. Lors d’un débat tendu avec l’Inquisiteur au sujet de l’admission de l’un d’eux, Nadal répliquait: «Nous autres [Jésuites] avons plaisir à accueillir ceux d’ascendance juive». Ce qui est frappant, c’est de voir comme on peut reconnaître en l’occurrence un schéma qui deviendra classique: des arguments pro conversos [pro migrants] défendus par des crypto-Juifs qui prétendaient être des Espagnols de souche. Maryks note au passage que ses recherches historiques montrent que Nadal «était plus que probablement un descendant de Juifs Majorquins» (77).

À l’époque où Nadal jouait les intercesseurs auprès de l’Inquisiteur, les pratiques judaïques visant à changer de l’intérieur les conceptions que les chrétiens avaient d’eux étaient déjà courantes. Un parfait exemple en est l’ouvrage d’Alonso de Santa María de Cartagena (1384–1456) — Defensorium unitatis christianae [En défense de l’unité ce la chrétienté] (1449–1450). Alonso de Cartagena avait reçu le baptême (à l’âge de cinq ou six ans) de son père, Shlomo ha-Levi, ex grand rabbin de Burgos, devenu Pablo de Santa María (c. 1351–1435) suite à sa conversion juste avant les émeutes antisémites de 1391, il sera élu évêque de Cartagena (1402) puis de Burgos (1415). Le fait que sa femme restée juive n’ait pas été une gêne pour sa carrière épiscopale est pour le moins intéressant à noter.

Son fils Cartagena, donc, comme bien d’autres conversos, suivait à l’université de Salamanque des études de droit et de droit canon qui lui ont ouvert une carrière prestigieuse à la croisée des sphères royales, civiles et religieuses. Il a été Nonce apostolique et chanoine à Burgos. Le roi Juan II en fit son envoyé spécial au concile de Bâle (1434 – 1439), au cours duquel il participa à la rédaction d’un décret sur «le caractère régénérateur du baptême sans considération de race». (4). Toutefois, comme d’autres exemples de propagande conversos, Cartagena dans ses arguments allait au-delà d’un simple appel à la «tolérance». Selon lui, «la foi apparaît dans toute sa splendeur dans la chair israélite», les Juifs possèdent une «noblesse innée» et c’est aux rustres Espagnols de prendre exemple sur leur complexion pétrie «d’exquise urbanité». (14, 17)

C’est ainsi que dans les écrits des premiers crypto-Juifs, les Conversos ressortent comme supérieurs aux chrétiens ordinaires, plus aptes à se voir confier les charges de responsabilités (et le statut qui va avec), loin de mériter l’opprobre et l’hostilité dont ils sont l’objet, ils sont les seuls sans taches, innocents et doux comme des agneaux. On est frappé de la similarité avec les arguments qu’on connaît à notre époque, surtout si on considère que pour Cartagena, l’antisémitisme ne tient qu’à la «malveillance des envieux». (20)

À l’encontre de tout ce verbiage apologétique, Maryks démontre – intentionnellement ou non – que l’Ordre des Jésuite à ses débuts n’était qu’une courroie de transmission de l’influence politique et idéologique des conversos. Loyola en était littéralement entouré en permanence, tout au long de son «règne». (55). C’est par exemple à un fils de Juif Portugais Enrique Enríques, qu’on doit en 1591 le premier manuel jésuite de morale et de théologie, Theologiae moralis summa. (65) Pour Maryks, la confiance de Loyola dans les aspirants d’origine juive était sans limite, il cite le cas de l’admission en 1551 de Giovanni Battista Eliano (Romano), petit-fils du célèbre grammairien et poète le rabbin Elijah Levita (1468–1549) …. «Il est entrée dans la Compagnie à l’âge de 21 ans, trois mois seulement après son baptême». (66)

Avec tout l’étalage que Maryks fait du laxisme bienveillant de Loyola envers les candidats conversos et de l’envahissement de l’Ordre par les crypto-Juifs que cela signifiait, il est étrange qu’il ne défende pas plus l’idée que la fondation des Jésuites résultait d’un marchandage avec l’élite des conversos, lui préférant une théorie basée sur une «confiance» dont on ne comprend pas très bien l’origine. C’est malheureusement souvent le cas avec l’historiographie juive, les faits et les conclusions d’un même texte se situant sur des trajectoires inverses. Dans la même veine, son explication selon laquelle l’Ordre était inondé de crypto-Juifs parce que Loyola, avant de fonder sa Compagnie, avait un grand nombre de contacts dans les milieux des commerçants et des religieux conversos paraît relever d’une contextualisation plutôt sommaire et à côté de la plaque.

En dépit des plans soigneusement établis par Loyola et ses acolytes, 32 ans à peine après sa fondation, la Société de Jésus allait être soumise à un vent de fronde soufflant des profondeurs contre cette élite unilatéralement crypto-juive. Les traits de figure de cette révolte en font un cas d’école dans l’étude de la nature réactive de l’antisémitisme. Les chapitres deux et trois du livre dans lesquels Maryks raconte la façon dont deux groupes ethniques rivaux, se sont affronté pour l’avenir de l’Ordre de Jésus constituent un pur moment de bravoure. C’est vers la stratégie de contre-attaque des Européens que nous tournons maintenant notre attention.

La riposte

«Étant les enfants de ce monde, hautains, rusés, fourbes, égoïstes, etc., il est certain qu’ils convenaient aussi peu que possible à la vie religieuse et qu’on ne pouvait plus rester ensemble. Si ceux de ce sang sont faits supérieurs [de l’Ordre], ils utilisent presque tout leur pouvoir à des choses externes: ils promeuvent très peu la mortification et les saines vertus, ils ont l’air de marchands, ils cherchent les premières places et aiment se faire appeler rabbin; ils ne sont guère désireux de rechercher la perfection décrite dans les parties 5 et 6 des Constitutions; ils laissent facilement entrer des personnes indignes pourvu qu’elles soient de leur sang».
Manuel Rodrigues, curie jésuite de Rome.

Everard Mercurian (1514-1580)

Les griefs des Espagnols de souche de la Compagnie de Jésus à l’encontre de l’élite crypto-juive présentent une remarquable uniformité. Ce qui prédomine dans leurs préoccupations, c’est la tendance des Juifs à l’accaparement du pouvoir, au népotisme, à l’arrogance, à l’ambition effrénée, et cet air de désinvolture dans la pratique du christianisme. Le comble aux yeux des plaignants, c’est que la branche espagnole de l’ordre était en train de devenir une caisse de résonance de l’influence juive qui s’étendait ainsi jusqu’à toucher le saint des saints au cœur de Rome.

La citation de Manuel Rodrigues en épigraphe reprend l’ensemble de ces thèmes, certains d’entre eux ayant reçu une ample confirmation empirique. Déjà, rien que le corpus de recherche constitué par Maryks et présenté dans la première partie suffirait à étayer l’accusation selon laquelle les crypto-Juifs «laissent facilement entrer les personnes de leur sang». Il y aussi ce Benedetto Palmio, un Italien secrétaire de deux supérieurs généraux Européens de l’Ordre (Francisco de Borja et Everard Mercurian), qui se plaint de «la prolifération et de l’insolence des néophytes Espagnols» qu’il juge «pestilentielle» (133). Enfonçant le clou, il ajoute «partout où on tombe sur un nouveau chrétien, il est impossible d’avoir la paix … ceux qui sont envoyés à Rome sont presque tous des néophytes et ce ne sont pratiquement que ce genre de personne qui sont admises en Espagne». (133) C’est ainsi que Philippe II d’Espagne vers 1570 en est venu à parler des Jésuites comme d’une «véritable synagogue». (133)

L’autorité crypto-juive était jugée particulièrement despotique par Palmio, à Rome, disait-il, «ils ne se comportaient pas en frères mais en maîtres»(135). Dans la droite ligne de leur sempiternelle solidarité ethnique, il y avait de fortes disparités dans les promotions vers les hautes fonctions, d’après Palmio «les néophytes voulaient dominer partout et c’est pourquoi l’Ordre était en permanence traversé de tempête de discorde et d’acrimonie». (138). Les conversos étaient «dévorés par l’ambition, insolents, prétentieux, despotiques, fourbes, avide de pouvoir ils arboraient en permanence l’infâme masque de Janus». (142) Lorenzo Maggio, un Italien de la Curie jésuite de Rome, se plaignait de ce que «Les frères de la circoncision avaient perverti tout l’édifice de la Société [de Jésus]». (117)

Inconscient de la réalité des origines de l’Ordre de Jésus – dès le départ infesté de Juifs en quête d’influence politique, nombre d’Européens semblent avoir perçu la Société de Jésus comme un authentique mouvement religieux, qui partait d’un pieux sentiment mais qui avait été progressivement corrompu par l’infiltration de crypto-Juifs avides de pouvoir. Il est d’ailleurs important de comprendre qu’une telle perception n’était pas propre à la Société de Jésus. À peu près au même moment où l’agitation se développait au sein de l’Ordre, l’évêque Diego de Simancas de Zamora exhortait ses paroissiens à se défier des machinations des conversos et à combattre leurs manœuvres «destinées à leurrer le Pape et ses ministres». (31). Il concluait comme Rodrigues, Palmio, et Hoffaeus, que les conversos étaient volontiers «ambitieux, conspirateurs et avides de pouvoir» comme en témoignait le fait «qu’ils avaient accaparé tous les postes importants de l’ Église de Tolède». (34–5)

Pour combattre le népotisme des crypto-Juifs et leur solidarité ethnique sans failles, les Jésuites Européens – c’est passionnant à observer – ont eu recours à des stratégies tout à fait symétriques. Ici encore, le modèle qui se dégage de la nature réactive de l’antisémitisme peut être replacé dans la perspective des analyses du Separation and Its Discontents de Kevin MacDonald, en particulier du chapitre clé dans lequel il voit le National Socialisme comme une stratégie miroir. En l’occurrence, dans les débuts de leur mouvement de révolte, les Jésuites Européens n’ont rien fait d’autres, que de créer leurs propres réseaux souterrains, également animés de la même volonté d’éviction raciale en faveur de leur ethnie propre.

Le rideau s’est levé sur la scène de la confrontation en 1572, à la mort du troisième supérieur général, Francisco de Borja. Jusqu’à cette date, les Européens ont souffert en silence la direction philosémitique de Loyola puis le népotisme rampant du converso Diego Laínez. Borja lui-même était réputé pour sa protection des conversos alors que les tensions étaient en train de s’exacerber (115). La mort de Borja a déclenché une crise ouverte, tant sa succession apparaissait jouée d’avance par l’élite crypto-juive en faveur du converso Juan Alphonse de Polanco (xxv). Polanco avait déjà été nommé secrétaire de la Société par Loyola en 1547 avant de devenir doyen de la curie générale de Rome. Rompu aux jeux d’influence, «plus éminente figure de la Société de Jésus» sa sélection n’aurait dû être qu’une formalité. Mais comme l’explique Maryks, à cette date «un fort courant anti-converso [principalement composé de représentants Jésuites hors d’Espagne.] avait pris pied dans la Société». (xxv)

En dépit d’une présence significative des pro converso à la Congrégation Générale [ = la plus haute instance législative de la Société de Jésus, elle est composée des délégués à la tête des diverses provinces et de représentants locaux élus], un bloc Italo-Portugais gagnait du terrain au sein de l’assemblée et s’est montré assez habile pour contrer l’élection de Polanco et défaire son parti de conversos. (120)

En plus de la formation d’un bloc sur un principe ethnique, la stratégie de riposte s’inspirait à nouveau des tactiques crypto-juives en faisant appel au sommet, au Pape. La délégation portugaise emmenée par Leão Henriques «emportait en grand secret à Rome une lettre datée du 22 janvier 1573 du pénitent d’Henriques, le Cardinal Infant Henry du Portugal (1512– 1580), qui s’adressait au pape Grégoire XIII. Dans cette lettre, le Grand Inquisiteur du Portugal et futur roi (1578– 1580) demandait que ni un converso ni un pro converso soit élu Supérieur Général de la Société de Jésus, la lettre mettait en outre en garde que si rien n’était fait contre le péril converso, la Société courait à sa perte». (121)

Grégoire XIII ne tarda pas à dévoiler son soutien en faveur d’une alternative non espagnole à Polanco, lequel, à son tour, indiqua qu’il acceptait de démissionner mais qu’il refusait d’interdire à d’autres candidats «Espagnols» de se présenter à cette élection. À l’ouverture de la congrégation, Grégoire XIII s’enquit des procédures, du nombre d’Espagnols parmi les votants, et de l’origine nationale des précédents supérieurs généraux. Le pape «fit remarquer que quelqu’un devait être pris en dehors de la délégation espagnole», et, en dépit des protestations élevées par Polanco contre la limitation de la liberté de conscience des électeurs, il suggéra spécifiquement le nom du Wallon Éverard Mercurian, puis pris congé de la congrégation avec une bénédiction. (122) En conséquence, «même si ce fut le converso Antonio Possevino qui eut l’honneur de prononcer le discours d’ouverture, ce discours tomba à plat, le Cardinal Gallio de Côme arrivant et informant benoîtement la congrégation qu’il était là pour représenter la volonté du Pape d’empêcher l’élection d’un candidat Espagnol». (122) Le lendemain, l’assemblée choisissait pour être son prochain Supérieur Général, dès le premier tour et à une majorité de 27 voix, Éverard Mercurian.

À peine entré en fonction, Mercurian procédait, selon ses propres termes, «au grand ménage de la maison». Il éloignait de Rome (et sans doute d’Italie ou même d’Europe) nombre de jésuites conversos». (123) Polanco, après presque 30 ans passés au sommet du pouvoir, «se retrouvait expédié en Sicile, une mesure jugée trop sévère même par son principal ennemi, Benedetto Palmio». (123)

Mais ce nettoyage ne s’est pas fait sans ultimes répliques telluriques, notamment sur la plaque espagnole de la Société de Jésus, un nouveau mouvement y voyait le jour: les memorialistas ou mémorialistes. Le groupe tire son nom de «mémoire» au masculin, terme qui désigne à l’époque un genre littéraire dans lequel un exposé des faits est suivi d’une pétition adressée à l’autorité royale ou religieuse. Les memorialistas se sont fait un nom en envoyant «des mémoires secrets à la Cour d’Espagne, à l’Inquisition et au Saint-Siège pour demander la réforme de l’Ordre jésuite et en particulier qu’une autonomie soit accordée aux provinces espagnoles». (125–6) Ces mémoires se voulaient très subversifs, cherchant à provoquer la scission de la Société et permettre aux conversos de récupérer leur base de pouvoir en Espagne.

Mais il ne s’agissait au fond que d’un combat d’arrière-garde de l’élite crypto-juive. Chassés de Rome et tenus en méfiance par les Portugais, le but était pour les conversos de limiter les dégâts en tentant de préserver leur pouvoir en Espagne et de prévenir d’autres assauts contre leurs positions tenues de longue date. Comme dit Maryks «il faut reconnaître que la plupart d’entre eux [des mémorialistes] avaient une origine converso». (125) Les mémorialistes étaient clairement perçu par leurs contemporains comme un mouvement de revanche juif et Maryks n’y trouve rien à redire. L’un de leurs principaux chefs de file était Dionisio Vázquez, un converso, et Maryks de remarquer: «on peut estimer que le rôle actif de Vázquez’s au sein des memorialistas est une sorte de vengeance contre la politique discriminatoire de Mercurian». (126) Le très anti-converso Benedetto Palmio n’a quant à lui «jamais douté que les conversos étaient derrière ce mouvement revanchard». (128)

Tandis que la lutte se prolongeait, en 1581 un autre anti-converso était élu en succession de Mercurian, l’Italien Claudio Acquaviva. Acquaviva nommait un certain nombre d’anti-converso d’envergure à des postes clés à Rome (dont Manuel Rodrigues, Lorenzo Maggio, et le Rhénan Paul Hoffaeus), les chargeant d’étendre les mesures de Mercurian au-delà du cercle de Rome et de viser l’ensemble du réseau Jésuite. Maryks écrit que le travail de longue haleine d’Hoffaeus, de Maggio, et de Rodrigues, «a effectivement conduit à une diminution graduelle des entrées dans la Société des candidats d’ascendance juive». (146)

Mais il est intéressant de voir comme toutes ces activités se sont déroulé de manière feutrée, dans le secret des coulisses, les aspects ethniques de la lutte étant toujours savamment occultés, de nouveau à l’image des stratégies des conversos lorsqu’ils cherchaient à étendre leur influence. Par exemple, en 1590 Acquaviva envoyait des «instructions confidentielles» aux provinces espagnoles dirigées par des Jésuites Européens – ou «vrais chrétiens» – dans lesquelles il insistait sur la nécessité de la discrétion:

En ce qui concerne les charges de direction, nous devons nous garder de confier à ces gens [les conversos] les postes clés… En ce qui concerne les admissions, en revanche, il ne s’agit pas de provoquer l’amertume de beaucoup dans la Société et éviter en conséquence une interdiction trop systématique des entrées aux gens affublés de cette sorte de tare. Il faut faire preuve de plus de doigté et de discernement dans les admissions.… En tout état de cause, [les enquêtes généalogiques] doivent se faire dans la discrétion, et si quelqu’un doit être exclu, il serait bon de fournir certaines justifications opportunes afin qu’on ne puisse pas affirmer avec certitude que la personne a été refusée en raison de sa lignée. (147).

Confronté à une sourde hostilité interne des Jésuites espagnols, Acquaviva durcissait encore sa position avec un nouveau décret quelques années plus tard disant que:

Ils s’avèrent que ceux qui descendent de parents récemment christianisés sont une source permanente de problèmes et de difficultés de tous ordres pour la Société (ainsi qu’en témoigne notre expérience quotidienne)… L’ensemble de la congrégation décide par le présent décret qu’en aucun cas une personne de cette sorte, c’est-à-dire de souche hébraïque ou sarrasine, ne pourra dorénavant être admise dans la Société. Et si par erreur une telle personne était admise, elle devrait être renvoyée aussitôt le manquement connu, sans attendre la prochaine profession, après en avoir avisé le Supérieur Général et attendu sa réponse. (149)

Maryks estime que c’est à ce stade que «la saison de la chasse aux origines s’ouvre» et que «le renvoi systématique des personnes d’ascendance juive de la Société de Jésus débute pour de bon».

Aux Sources de l’Apologétique Juive Moderne

Marginalisés la défaite consommée, l’élite crypto-juive n’a guère eu d’autres ressources que de se rabattre sur une longue série de mémoires qui par bien des aspects ne sont pas sans rappeler la propagande moderne distillée par leurs officines les plus en vue comme l’ADL. Comme je l’ai noté dans un précédent essai, on retrouve par exemple la ficelle dialectique grossière qui consiste à déplacer «l’altérité» de la judéité dans la société hôte sur le mouvement nationaliste qui s’oppose à eux [ = l’antisémitisme n’est pas français]:

[…] Kevin MacDonald nous rappelle que «les organisations juives d’Allemagne durant la période 1870 -1914 [celle des antisemitismusstreit] soutenaient que l’antisémitisme était une menace pour l’ensemble de l’Allemagne parce qu’il était fondamentalement non-germanique. [1]À l’époque en Allemagne, l’antisémitisme était dénoncé par les Juifs comme étant d’importation française.

Inversement, Paula Hyman constate que confronté à la montée de l’antisémitisme en France à la même époque [affaire Dreyfus] les Juifs propageaient le message selon lequel l’antisémitisme n’avait rien de français et qu’il était d’importation allemande. [2]

Thorsten Wagner rapporte que le couplet était également classique au Danemark: «une importation allemande qui ne saurait avoir aucune racine dans la tradition locale».[3]

Mais la ficelle était déjà utilisée par les mémorialistes conversos, prenons le cas d’Antonio Possevino, un diplomate de haut rang débarqué par Mercurian et exilé en Suède: depuis les contrées septentrionales glacées, il prenait la plume sur des pages et des pages pour dire que c’était des figures comme Benedetto Palmio qui étaient réellement non chrétiennes – pour ne pas dire franchement païennes. (164–5) Poussant plus loin la chutzpah, Possevino allait jusqu’à attribuer les dissensions internes de la Société de Jésus à «l’ambition démesurée des Jésuites Portugais». (171–2) Alors qu’il était bien placé pour savoir à quoi s’en tenir, il mentait effrontément dans sa prose sur la nature des mémorialistes, insinuant que le mouvement était une «conspiration portugaise pour miner l’unité jésuite». (171–2). Maryks renvoie Possevino dans les cordes, constatant simplement que la majorité des mémorialistes étaient en réalité «indéniablement des conversos». (172)

Enfin, l’apologétique de Possevino préfigure la propagande moderne par un autre aspect: la conviction que les Juifs ont une vocation naturelle à constituer l’élite morale et à s’imposer à des masses rurales jugées méprisables. Il s’en prend aux «envieux sans talent des milieux ruraux» (168) qui sèment la discorde contre les conversos «qui par leur vertu et leur dévouement représentent pourtant l’élite de la Société de Jésus». (172)

Traduction Francis Goumain.

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On peut aussi télécharger le livre de Maryks gratuitement.

Note partie I

[1] See Kevin Ingram, Secret lives, public lies: The conversos and socio-religious non-conformism in the Spanish Golden Age. Ph.D. Thesis (San Diego: University of California, 2006), pp. 87–8.

[2] Quoted in Maryks, The Jesuit Order as a Synagogue of Jews, p.xx.

[3] W. Caferro, Contesting the Renaissance (Oxford:Wiley-Blackwell, 2010), p.158.

[4] M. Baigent & R. Leigh, The Inquisition (London: Viking Press, 1999), pp.75-6.

Note partie II

[1] K. MacDonald, Separation and Its Discontents: Toward and Evolutionary Theory of Anti-Semitism (1st Books, 2004), 232.

[2] A. Lindemann & R. Levy (eds.), Antisemitism: A History (Oxford University Press, 2010), 136.

[3] T. Wagner,’Belated Heroism: The Danish Lutheran Church and the Jews, 1918-1945,’ in K. Spicer (ed), Antisemitism, Christian Ambivalence, and the Holocaust (Indiana University Press, 2007), 7.

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Source: The Occidental Observer

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Zemma
Zemma
23 March, 2023 4:09 pm

How dutiful of you to preserve knowledge in this way! Thank you National Alliance folks!